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Pain de viande festif

Chaque famille a ses classiques! Je ne connais pas la vôtre, mais chez moi il y avait la pizza de papa (tous les samedis soirs) et le pain de viande de maman. Mes parents devaient être heureux de préparer ces bons petits plats et de savoir qu’ils allaient se manger en un rien de temps.

Le pain de viande que nous préparait ma mère venait d’un gros livre jaune tout déchiré tellement il avait été aimé. Vous le connaissez peut-être, il s’agit de l’Encyclopédie de la cuisine canadienne de Jehane Benoit. On trouvait de tout dans ce livre, c’était le b.a.-ba de la cuisine des familles. Et à la page 98 (édition 1963), le très simple et ô combien moelleux pain de viande de ma mère. Une viande tendre et juteuse avec un petit givrage sucré, épicé et tomaté, c’était excellent!

Je trouve fascinant d’observer comment on peut aimer les grandes recettes élaborées quand on va au restaurant et trouver réconfortant et agréable un plat d’une si grande simplicité à la maison. Car il faut se l’avouer, l’origine du pain de viande en est une des plus modestes. De nombreux pays en possèdent une version, très souvent avec des restes de viandes, des abats, des épices et du pain. Un peu à la façon du haggis écossais. Chez nous, la recette nous est parvenue avec l’arrivée des Français, puis s’est modifiée avec celle des Anglais pour finalement devenir un plat très québécois autour des années 1920-1930. Durant la guerre et la crise économique, la viande se faisait rare, mais il fallait tout de même manger, alors pour offrir un repas nourrissant, les mères ont eu l’idée d’ajouter des œufs, du lait et du pain ou des céréales à leur mélange de viande et d’épices. Le pain de viande familial était né1.

Il a beau être simple, encore faut-il savoir bien le préparer, car sinon, il deviendra sec et désagréable en bouche.

Jehane Benoit proposait d’utiliser de la viande de bœuf pour son pain de viande. Ma mère ne l’a jamais fait. Ah oui, une fois, pour se rendre compte qu’elle ne le ferait plus jamais. À moins de prendre une viande hachée de bœuf plus grasse, le résultat sera plus sec. Le veau haché donne d’excellents résultats, et le porc haché aussi. Si vous souhaitez utiliser une viande blanche, optez pour le poulet haché au lieu de la dinde pour la même raison que ci-dessus : la texture une fois cuite. Pour relever facilement le goût de votre pain de viande, incorporez une portion de chair à saucisse de votre choix à votre viande hachée. Vous verrez, c’est délicieux!

Le choix de la viande compte pour beaucoup, il est vrai, dans le goût et dans la texture, mais ce qu’on y ajoute pour créer l’homogénéité du mélange le rend incomparable! Chapelure, avoine, céréales de maïs ou pain frais, c’est selon votre inspiration. Le secret, c’est de les laisser baigner et s’imprégner complètement du lait avant de les incorporer au mélange de viande. Un jour, en voulant aller vite, j’ai versé le lait sur la chapelure et attendu que le pain soit simplement humecté avant de le mélanger à la viande et l’enfourner. Le résultat m’a démontré que l’art de la cuisine prend du temps. Mon pain de viande avait une texture granuleuse au lieu de moelleuse. Il était bon au goût, mais pas autant que d’habitude. Il est important de laisser le pain ou la chapelure se gorger de lait ou de crème avant de l’ajouter au reste des ingrédients.

Les épices aussi ajoutent du caractère à votre œuvre. Outre les oignons et l’ail, nous possédons, de nos jours, une variété impressionnante d’épices, ce qui nous donne l’embarras du choix au moment de la création d’un plat. Avec les viandes rouges, pensez marjolaine, origan, thym. Pour le porc, osez le cari, la coriandre, la sauge. Si vous aimez mieux le veau ou le poulet, essayez l’origan, le paprika, la ciboulette ou l’estragon. Vous verrez, ils font des délices!

En ce qui concerne la fameuse sauce qu’on verse sur le dessus du pain avant sa cuisson, elle a une fonction bien plus importante que le simple fait d’ajouter de la couleur et du goût : elle protégera votre viande de la sécheresse durant son long passage au fourneau. C’est pour cette raison qu’on y ajoute souvent un peu de moutarde sèche, car la moutarde possède la propriété d’aider à empêcher l’évaporation des liquides. Elle crée une barrière protectrice. La traditionnelle sauce se fait avec du sucre, des épices et des tomates ou une préparation de type ketchup, mais il suffit de naviguer un peu sur Internet pour découvrir la variété actuelle de sauces qui pourraient donner un petit air de fête à ce plat, somme toute, assez banal. Que diriez-vous de le napper d’une sauce aux champignons sauvages ou aux trois poivres, ou de le faire gratiner? De le préparer « à la mexicaine » avec un mélange d’épices pour chili dans la viande et une sauce de style salsa? Ou encore d’insérer en son centre votre fromage préféré avant de l’enfourner? Avezvous pensé à y mélanger des fruits? J’ai en tête une recette de porc et de pommes avec une sauce à l’érable… mmm… Avouez que je vous ouvre l’appétit, non?

Le pain de viande cuit lentement et longtemps au four traditionnel ou à la mijoteuse. C’est ce qui lui donne sa texture agréable et qui permet aux épices de développer leur plein arôme. Au four, à feu moyen, il est prêt en 60 minutes environ si on le met dans un moule à pain traditionnel et 56 heures dans la mijoteuse à feu doux.

Si, comme moi, vous aimez expérimenter et que vous souhaitez déguster un mélange de saveurs pour une occasion spéciale, disons, un repas de Noël, pourquoi ne pas préparer un pain de viande en forme de bûche? Je l’ai fait! Et c’était délicieux! J’ai choisi de la dinde (tradition oblige), du porc, du bœuf haché ainsi que de la chair à saucisse italienne. J’ai modelé la chair à saucisse afin d’en former un rouleau que j’ai déposé au centre de la section dinde. J’ai ensuite mis le tout sur un étage le bœuf afin de créer un beau contraste de couleur et j’ai terminé ma roulade avec une couche de porc. J’ai ainsi obtenu une magnifique bûche de Noël de viande qu’il me restait à faire cuire et à napper d’une sauce à l’érable. Bon, c’est plus facile à écrire qu’à rouler, mais le résultat vaut le travail, croyez-moi! C’était magnifique une fois tranché dans l’assiette de présentation, délicieux et agréable en bouche. Les épices de la saucisse avec le doux goût de la dinde et la glace sucrée, mmmm…!

La beauté du pain de viande c’est qu’on peut, le lendemain, s’en faire un sandwich, un burger ou le manger avec une salade! Si jamais vous en aviez des restants, je vous parie qu’ils ne resteront pas dans votre frigo longtemps! Bon appétit!


1 Michel Lambert dans son livre Histoire de la cuisine québécoise.

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Pour l’amour du pâté chinois!

Comment ça se passe chez vous, la préparation des soupers? Chez moi, c’est parfois un véritable casse-tête! Il faut dire que j’ai un garçon à tendance végétarienne, un deuxième essentiellement carnivore et un homme qui oscille entre le paléo et le kéto! Évidemment, y en a toujours un à qui le repas ne convient pas! Sauf quand je prépare du pâté chinois. Allez donc savoir pourquoi! Ce « plat national québécois », selon le journal Le Devoir, n’est ni végétarien, ni paléo, ni kéto et pourtant il fait l’unanimité à tout coup! Il faut dire qu’au fil des ans, j’ai su améliorer à ma façon le traditionnel « steak, blé d’Inde, patates » pour lui donner un air de fête!

Le pâté chinois n’a jamais été mon mets préféré. Quand je mangeais celui que ma mère préparait, je le trouvais sec et sans goût. J’y ajoutais une tonne de ketchup pour le rendre agréable en bouche (désolée maman, tu fais, de loin, la meilleure tarte aux pommes de l’histoire des tartes aux pommes, mais côté pâté chinois, on repassera). Vous devinez donc que dans ma vie de jeune couple, le pâté chinois n’était jamais au menu. Il avait été relégué quelque part dans un coin sombre de ma mémoire. Quand je suis devenue maman à mon tour et que j’ai commencé à chercher des plats nourrissants qui combleraient les appétits sur plusieurs repas, il est soudainement réapparu… comme par magie!

Je me souviens encore de la première fois où j’ai préparé un plat de pâté chinois. C’était bien avant les préoccupations végétariennes de mon plus vieux et les essais culinaires de mon amoureux. Les enfants le mangeaient en silence… et ils en ont même redemandé. Pourtant, c’était bel et bien la même recette que ma mère nous préparait. Je n’en revenais pas. Qu’est-ce qui rend un mets si simple aussi populaire?

Est-ce les ingrédients? Est-ce sa facilité de préparation? Son faible coût? En fait, c’est peut-être un peu de tout cela! J’ai donc tenté, au fil de mes préparations, de le transformer afin de le rendre plus goûteux, sans toutefois le dénaturer. (J’aime bien quand les enfants mangent sans rechigner!)

J’ai donc entamé sa métamorphose en le faisant gratiner avec un mélange de cheddar et de mozzarella, question de tester ma nouvelle idée. Yes! Étape 1 réussie! J’ai ensuite tenté la même expérience, mais cette fois avec du Reblochon (j’ai toujours aimé le goût du fromage avec celui des pommes de terre). Quoi faire maintenant avec cette viande assez fade? Et si je la préparais avec une bonne sauce brune? Et là, je ne vous raconte pas tous mes essais! Avec ou sans champignons, sauce du commerce, sauce maison, sauce BBQ ou plus épicée, bref, j’ai laissé aller mon imagination et j’ai obtenu des résultats somme toute assez concluants. J’ai même osé proposer des versions végétariennes avec des lentilles ou du tofu fumé émietté. Une fois la surprise passée, ils ont adoré! Ma version préférée est celle dans laquelle je remplace le bœuf haché par de la chair de saucisse : une texture similaire, mais un goût qui sort de l’ordinaire. Ce qu’il y a de bien avec les saucisses, c’est la variété qui s’offre à nous! On peut donc en faire pour tous les goûts!

 Pour l’amour du pâté chinois! 

Je me souviens d’avoir déjà essayé une version cocktail avec une rondelle de saucisse, une mini galette de maïs et une noisette de pomme de terre en purée. Aussi, à Noël, j’ai tenté une version pour le moins originale dont j’avoue être assez fière. Après avoir fait cuire des pommes de terre au four, je les ai coupées en deux et vidées. J’ai mis la chair en purée avec du fromage à la crème. Par la suite, j’ai garni les pelures de viande hachée, de maïs et de pommes de terre que j’ai ensuite fait gratiner. C’était succulent et amusant à la fois. Mes invités ont trouvé l’idée intéressante, mais mes enfants m’ont dit préférer la version plus traditionnelle.

Parlant de tradition, saviez-vous qu’on ne connaît pas réellement l’origine du pâté chinois? Jean-Pierre Lemasson y a même consacré un livre entier en 2009, Le mystère insondable du pâté chinois. C’est fou, non? On lui reconnaît des cousins dont le hachis parmentier français, le shepherd’s pie écossais ou le cottage pie britannique, mais son origine est floue et plusieurs hypothèses se bousculent au portillon.

La première souvent citée est celle des ouvriers majoritairement asiatiques qui auraient été nourris essentiellement de bœuf, de pommes de terre et de maïs durant la construction du chemin de fer pancanadien au 19e siècle.

Selon une autre théorie, le mets serait un dérivé de la China pie, spécialité locale de la ville de South China, dans le Maine, où de nombreux Canadiens français auraient séjourné au 19e siècle quand le travail manquait de ce côté-ci de la frontière.

Certains évoquent aussi le pemmican comme ancêtre du pâté chinois : un plat de viande, de gras et de petits fruits séchés. D’autres s’amusent à penser que le pâté d’échine de porc, de blé d’Inde et de navet des débuts de la colonie en serait l’origine. De pâté d’échine à pâté chinois, il n’y a qu’un pas!

Moi, c’est vraiment le mot « chinois » qui me chicote, pas vous? Avec du maïs, j’aurais appelé cela « pâté amérindien » ou quelque chose du genre… Mais pourquoi « chinois »? À cause de sa couleur? À cause de la ville de Lachine qui a été baptisée ainsi à la suite d’une expédition quelque peu manquée de Cavelier de La Salle et d’où le fameux pâté chinois pourrait être originaire?

Peut-être que la réponse est encore plus simple que tout cela, mais nous ne la connaissons pas, du moins pas encore!

Bref, vous penserez à tout cela la prochaine fois que vous cuisinerez un hachis parmentier agrémenté de maïs. Je suis curieuse de savoir quelles sont vos recettes familiales. Quel petit détail en fait le délice de votre famille? Mon beau-papa, lui, le mange toujours avec des marinades, du ketchup aux fruits ou du ketchup aux zucchinis. N’hésitez pas à nous partager vos idées et suggestions et… bon appétit!